Communication

Critique article – Marketing : Prosper Mankuikila

Il y a dix jours, j’ai publié deux articles traitant de la pertinence de la stratégie Millenials au Cameroun dans la rubrique « Le coin des experts ». Grande a été ma surprise de recevoir, quelques jours plus tard, le message d’un lecteur qui se disait déçu par lesdits articles, qui selon lui n’avaient pas leur place sur la plateforme. J’ai écouté ses raisons, puis je lui ai demandé de les justifier. Ayant trouvé son argumentation pertinente, bien que je ne sois pas forcément d’accord avec lui, j’ai jugé important de la publier, avec la permission de l’intéressé. Car Le blog du disrupteur est là pour cela, également : offrir un espace d’expression et d’échanges aux professionnels des différentes disciplines que nous abordons ici.


La critique porte sur la série : Peut-on appliquer une stratégie « Millenials » au Cameroun ?

Partie 1 – De la circonscription de la notion de « millenials »

Partie 2 – Le profil des « millenials » Camerounais


 

Prosper Mankuikila est un professionnel du marketing et de la communication basé au Congo Brazzaville.

« Pour la première fois depuis que je lis votre blog, je suis déçu. Jusqu’ici, j’ai toujours lu des articles où les concepts étaient déconstruits pour les rendre accessibles à des personnes d’un certain niveau qui souhaitaient en apprendre plus sur des sujets et des thématiques précises, lesquelles les aident dans la compréhension de leur rôle de manager ou dans le développement de leur business. Votre cible comprend des professionnels et non des étudiants, si on part de là, ce qu’on recherche en lisant Le (blog du ndlr) Disrupteur c’est un raisonnement presque scientifique, avec des arguments, des exemples, des démonstrations issues de concepts ou d’une expérience palpable de celui qui en parle.

Faire une série sur la stratégie millénials au Cameroun n’est pas mauvais, mais il faudrait plus de profondeur dans le traitement de la question. Ce que j’ai lu est un avis et non une analyse du type que vous nous avez habitué à lire, la forme et le fond n’y étaient pas, je n’ai vu ni exemple, ni étude de cas. Il vaut mieux laisser les gens s’exprimer dans leurs champs de compétence, au lieu de sortir du cadre des sujets qui sont traités, ça nuit au sérieux et à l’objectivité de la plateforme. Si vous le permettez, j’irais même plus loin : permettre aux gens d’être dans le dénigrement, le mépris ou l’insulte sur le blog nuit à son image. Il y a souvent de l’ironie ou du sarcasme mais c’est la première fois que je vois de la méchanceté gratuite et de la condescendance.

Pour ce qui est des arguments que vous m’avez demandé, je dirais :

1. vous avez publié cet article dans la rubrique intitulée « Le coin des experts ». Je pense qu’un expert est quelqu’un qui a une expérience solide dans une discipline précise, pas un généraliste. Or là je vois plutôt un généraliste. Corrigez-moi si je me trompe, mais la présentation de l’auteur m’a laissé voir un professionnel aguerri certes, mais pas un expert. Le monsieur est généraliste. Or la rubrique s’appelle « Le coin des experts » donc je m’attendais à lire le point de vue d’un expert en marketing donc pour moi, c’est une erreur de l’avoir publié là.

2. Je n’ai pas de problème avec le choix de la thématique, mais l’axe d’étude me paraît tiré par les cheveux. Comparé au type de problématiques que l’on aborde généralement sur Le Blog Du Disrupteur, qui sont soit des concepts soit des techniques spécifiques, décortiqués et soutenus par une démonstration qui comprend des arguments et des exemples utiles pour des professionnels (allant des débutants aux experts) à la recherche de connaissances pratiques supplémentaires, le thème se révélait plat depuis le titre. En effet, commencer à parler des millenials en l’imposant d’emblée comme un axe de marketing au Cameroun sans avoir établi ses antécédents si ce n’est au Cameroun, au moins en Afrique, sans avoir défini ses pratiques générales sur le continent et ses domaines d’intérêt, sans avoir donné des exemples de cette stratégie millenial dans un article introducteur, ne permet pas de voir l’intérêt de ce sujet.

L’article fait beaucoup référence à des idéologues occidentaux comme références académiques, ce qui n’est pas mauvais, mais cela ne remplace pas l’argumentation, qui semble cruellement faire défaut. Ceci est renforcé par la première moitié de l’article d’introduction consacrée à des lieux communs qui dénotent avant tout de partis pris plutôt que de faits empiriques. Dans une rubrique consacré aux experts, tels que définis sur Le Blog Du Disrupteur dans votre premier article, quelle est la place de ce billet d’humeur ?

Quel est le fil rouge entre une problématique sur la définition d’un écosystème professionnel qui permet d’avoir des clefs sur la gestion de son réseau et un article intitulé « peut-on appliquer une stratégie millenials au Cameroun ? » qui ferme le débat dès le départ ? Je vais rajouter qu’avant d’appliquer la stratégie millenials au Cameroun et pourquoi pas en Afrique, une fois la définition du mot « millenials » donnée, je voudrais avoir des exemples d’application marketing de la dite stratégie millenials. Parce que adosser le concept des millenials à un type d’exécution marketing donné supposerait qu’on l’ait déjà vu ailleurs, ce serait bien de pouvoir les repérer par nous-même ensuite, en donnant par exemple des éléments comme le type de campagnes marketing ou d’activités où on peut déployer cette stratégie.

C’est ce genre de choses que j’aurais aimé voir dans l’article, au contraire des prises de positions que rien de substantiel ne vient soutenir. L’auteur nous a parlé du mode de pensée des professionnels marketing au Cameroun sans nous en montrer les manifestations (exemples de campagnes marketing). Mon propos de fond est : en quoi cet article répond à l’objectif pédagogique du Blog Du Disrupteur ? Qu’apprend-on de cet article qui nous sert dans la pratique de notre métier ? Pour ma part, rien.

Dans la 2ème partie qui se veut un portrait du millenial Camerounais, je ne vois toujours pas de faits, seulement des opinions. Où sont les chiffres ? Y a-t-il des échantillons représentatifs, des estimations ? Comment un professionnel qui lit cet article peut se sentir outillé sans avoir des éléments palpables ? Franchement, vous nous avez habitués à mieux. L’article n’est pas mauvais, il est même intéressant mais il n’a pas sa place ici. Sur une plateforme généraliste oui, mais pas dans un espace dédié aux experts. Pas sur une plateforme qui se définit de mon avis d’utilisateur comme un antre du savoir, parce que le savoir ne transparaît pas. Sur Le Blog Du Disrupteur, on apprend et on applique, on se sent outillés même lorsqu’il s’agit de critiques (vos études de cas) pour s’améliorer et faire mieux. L’analyse sur les millenials est une belle analyse philosophique mais elle n’est pas encore assez pratique pour permettre d’appliquer ses conclusions. Le manque de faits et d’exemples concrets et objectifs fait ombrage au côté pédagogique du Blog Du Disrupteur.

En ce sens, même s’il s’agit d’une réflexion de fond sur les pratiques marketing au Cameroun (qu’on peut généraliser à l’Afrique subsaharienne), la création de concepts globaux et leur application locale, a toute sa place bien que le format choisi pour l’exprimer ne siée absolument pas à la plateforme. Le Disrupteur c’est avant tout la science, pas le verbe.

En conclusion, je dirais que l’article n’est pas mauvais en soi, juste qu’il n’a pas sa place sur Le Blog Du Disrupteur. Une critique étant par essence subjective, je précise qu’il ne s’agit que de mon avis pas d’un débat. Vous pouvez le publier. »

 

Prosper Mankuikila 


L’auteur m’en voudra sans doute de le publier ici mais puisque sa critique porte sur un article de cette rubrique, il est juste que la critique y figure également.

Pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi je publie un article à charge vis-à-vis de mes choix éditoriaux, la réponse est simple : je n’ai rien contre les critiques constructives, j’ai créé la plateforme pour ça. Prosper est l’une des deux personnes qui m’ont écrit pour me reprocher d’avoir publié cette série d’articles sur le blog, j’ai demandé aux deux personnes – toutes deux des professionnels du marketing – d’en faire une critique la plus objective possible ; seule celle-ci répondait aux critères du blog, critères ardemment défendus par Prosper du reste, sourire. Cela me fait plaisir de voir que le travail effectué ici vous aide au quotidien, et que vous y tenez suffisamment pour vous manifester lorsque vous estimez que ce n’est pas le cas. Merci à tous les Prosper de la plateforme, que leurs avis soient aussi bien construits ou pas. Comme l’a dit Prosper, nous faisons dans l’objectivité, sans rancune donc. Wink.

 

Ace, @ladisrupteur


Le coin des experts est une rubrique du blog du disrupteur. Elle accueille les contributions de personnes ayant une certaine expérience en entrepreneuriat, en communication, en marketing ou dans n’importe quel autre domaine connexe. Le but de cet espace est de permettre au public cible de profiter de l’expérience des professionnels des différents secteurs d’intérêt.

About Ace (70 Articles)
Ace est un passionné de communication et de startups. Autodidacte formé auprès de professionnels du marketing et de la communication, il allie exploration personnelle, pratique du métier et recherche incessante d'amélioration dans une approche intégrative, qui s'intéresse au secteur de façon globale, en le replaçant au centre de l'entreprise. Sa démarche s'attache à formaliser de manière spécifique les problématiques communicationnelles qui touchent les structures en tenant compte de leurs divers niveaux d'organisation.

2 Comments on Critique article – Marketing : Prosper Mankuikila

  1. Hello Prosper,
    Oui, c’est moi l’auteur de l’article 🙂

    La première chose qui me plaît dans ton initiative, c’est que tu aies osé critiquer. Et j’aime. J’aime que les gens se décident à critiquer, parce que je ne crois pas que cela soit un mauvais mot ou mauvaise idée.

    Sur la forme, je trouve aussi que l’argumentaire est bien écrit.

    Sur le fond donc, je résumerai donc les différents points; s’il y en a une autre, stp, rajoute ou éventuellement, corrige.

    1. Quoi publier sur LBD ?

    Sur le principe, c’est l’auteur qui décide. Point.

    Sur la pratique, tu associes LBD à une plateforme « scientifique », faites d’études de cas, de sondages, d’échantillons, bref, d’outils réputés techniques servant à pratiquer la science. Je le crois aussi. Est-il aussi permis d’avoir des analyses que tu qualifies de »philosophiques » ou qui questionnent les paradigmes, les écoles de pensée, les idéologies ? A l’auteur de nous dire, si LBD se concentre sur la 1ere option, la 2nde ou un mix des deux… Et je m’y plierai volontiers.

    2. Sur la crédibilité du post

    Si tu accordes – je suppose avec beaucoup de violence – que l’on puisse analyser aussi « philosophiquement » certains sujets, alors ose venir sur ce terrain. Et tu découvriras qu’il ne s’agit pas d’un billet d’humeur. Non, Prosper. Il s’agit de l’analyse comportementale des processus qui guident nos actions, pour le coup scientifique. Que suis-je en train de dire? Pendant que tu te focalises sur les chiffres, les courbes, les comparaisons – et c’est tout en ton honneur et tout ceux qui ont pu être dégoûtés par mes articles (il en reste un troisième, qui est plus pratique sur obosso.net) – j’ai voulu problématiser les principes qui guident nos actions, dans ce cas-ci marketing. J’ai essayé de démontrer – selon toi, en insultant – qu’en règle générale, nous les Africains, enfin certains, nous avons du mal à réfléchir par nous-mêmes et ce que nous croyons être de l’intelligence, est juste une copie exécrable de ce qui se fait ailleurs; si on excepte que copier est déjà de l’intelligence. La dernière des preuves est qu’à peine Macron a parlé concernant le fait que le problème Africain serait civilisationnel (trop d’enfants pour une mère) que la CEDEAO a décidé que les femmes devraient avoir au plus 3 enfants. Tu comprends où je voulais en venir? On a le droit d’avoir une approche purement technique, mais je pense que l’aborder d’un point de vue épistémologique mérite d’être envisagé et même effectué. Sur cette base, si tu l’agrées, on peut discuter et échanger les points de vue. Je concède donc que l’article n’est peut-être pas ce à quoi tu t’attendais, mais bon; on fait avec. Disruption oblige! (oui, je sais, ça fait un peu mal, mais à bien y regarder, c’est salutaire).

    3. Sur ton approche générale

    « Une critique étant par essence subjective, je précise qu’il ne s’agit que de mon avis pas d’un débat. Vous pouvez le publier. » »

    Non, il y a des critiques objectives et si la tienne est subjective et n’est qu’un « avis », elle ne mérite même pas d’être publiée, n’est-ce pas? 😉
    Et quand on donne son avis, le plus grand respect que l’on peut manifester à son oeuvre, est d’accepter que l’on discute, en Français, c’est ce qu’on appelle un débat. Un peu comme tu as fait finalement. 🙂

    Non, l’article ne manque pas d’arguments; ils ne te conviennent pas juste.
    Non, on ne peut parler de chiffres et d’expériences, d’études de cas, que si l’on convient déjà des notions de base. Tu sembles adhérer à l’idée que les millenials existent déjà et donc, c’est normal que tu revendiques des chiffres. Mais mon discours est de démontrer qu’il n’en existe pas. Pas la peine de pavoiser sur des éventuelles campagnes qui auraient marché ou pas. Comment te dire ça en plus compliqué? Si tu veux faire une campagne marketing sur les millenials, pose-toi la question simple: y a t-il réellement des Millenials?

    Même après m’être expliqué, assez relativement, comprendrais-tu ma position en écoutant les propos de Simon Sinek (un pro quand même) quand il en parle?
    (clique ici http://obosso.net/de-la-circonscription-de-la-notion-de-millenials/)

    Je crois en une Afrique qui n’importe pas les concepts Occidentaux pour les copier tête baissée et par là-même se légitimer; nous valons mieux que ça.

    Je serais content de te lire, n’aie pas peur des mots; nous sommes là pour débattre.

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