La culture de l’organisation comme base de la culture de marque
Niveau : correspond aux enseignements de M1 et M2 de management.
Angle : le brand management comprend l’analyse et la planification de la culture de marque, ainsi que l’expérience de marque. Elle consiste à créer et entretenir le lien entre la cible et la (les) marque(s). Nous allons l’aborder en amont, à partir de certaines composantes de la théorie et de l’expérience des organisations.
Partie 1
La culture de l’organisation (ou culture organisationnelle), comme base de la culture de marque
J’écris cet article parce qu’un dirigeant d’entreprise Africain m’a sorti que « (la culture de marque) était du blabla », du flan quoi. Soupir. J’ignore si c’est le fait de ne pas avoir fait payer ces conseils, les gens ont tendance à mépriser les conseils gratuits. Je n’en donne plus du reste. Le fait que quelqu’un qui préside à la destinée d’une organisation ignore tout de l’importance de la valeur immatérielle que constitue sa culture en revanche… Ça me gêne. J’imagine que ce n’est pas la seule personne dans ce cas. Je vais l’écrire pour me donner bonne conscience.
Faire preuve d’ignorance sur un sujet aussi crucial me sidère. Pour info, la marque Coca-cola (un des éléments de sa valeur immatérielle) constitue 70 % de la valeur totale de l’entreprise (l’ensemble des actifs financiers et non financiers compris) – source : l’Observatoire de l’Immatériel -. C’est un excellent levier de scalabilité et de répétabilité pour les startups, soit dit en passant, donc une source de valeur financière importante. Maintenant, si vous vous proposez de faire sans dans un monde où elle est de plus en plus prépondérante, ne vous gênez pas.
La culture de marque n’existe pas par génération spontanée, elle n’est pas le fruit de l’imagination de communicants-charlatans qui lui donne naissance par magie, à partir de rien. Cette fausse impression vient de l’analyse de personnes extérieures aux grosses boîtes, occidentales pour la plupart ; les services de communication et de marketing des entités en question (organisations sociales, publiques ou privées) ne lancent pas leurs campagnes en fonction de leurs objectifs, quelque chose d’autre entre en ligne de compte, quelque chose fondé sur la mission, la vision, les traditions et l’histoire de l’organisation.
La culture est le « quelque chose » auquel l’on ne pense pas forcément, qui fait in’ et superficiel dans la plupart des cas (quand elle existe), parce que construite de toutes pièces sur rien ; qui existe souvent sans être formalisé, donc qui ne peut être transmise à la cible. Une poignée d’organisations et d’individus en a percé tous les secrets, elle domine son marché. Il s’agit d’une carte maîtresse dans la perception que se fait le monde de vous, un gage de fiabilité, d’authenticité et d’expertise, il importe de la déterminer de façon précise. Le 21 e siècle, en mettant l’accent sur la surconsommation, en poussant plus avant le capitalisme, a exacerbé la quête du sens et de la singularité. Comme l’a si bien dit une amie,
On consomme la marque, pas le produit. – Gretta N’Goteni
Que vous en ayez conscience ou pas, votre culture peut vous tuer. Ou vous permettre de dominer votre marché. Je parle de vous en tant qu’organisation, que vous soyez une association ou une startup. Ou un cabinet d’avocats. Ou une boucherie. Vous avez compris. Une culture organisationnelle forte, incarnée par chacun des individus qui forment la structure donne envie. De la rejoindre, de faire partie de l’aventure, … De nouer un lien avec elle, peu importe comment. Si en plus elle est formalisée et transmise correctement… C’est une merveille. Elle rend addicts à ses produits, qui ne sont plus des produits mais le fruit d’une histoire (storytelling), qui résultent d’une démarche, qui créent un lien émotionnel fort avec votre cible. C’est le secret de ces entreprises et de ces personnes qui vous attirent comme des aimants, sans que vous sachiez pourquoi.
La plupart des dirigeants ne comprennent pas son importance, n’en ont aucune idée même. Alors que dans le contexte concurrentiel qui est le nôtre, la culture est un élément de différenciation déterminant. Dans cette guerre de l’attention que se livrent les entreprises et les individus, elle est la lumière qui parle au coeur de votre cible – futur employé, partenaire ou client -, le convainc d’attacher ses pas aux vôtres. Lui fait se diriger spontanément vers vous, vous transforme en référence. Comme Apple. Starbucks. Google. Louis Vuitton. Uber. Les USA. Wolverine. La NASA. Michelle Obama. Michael Jackson. L’Oréal. La Sillicon Valley. Les conférences TED. Les Nations Unies, le Prix Nobel. And so on. Ce sont des références culturelles partagées par plus de la moitié de l’humanité.
Une culture de marque construite honnêtement (sur ce qu’est l’organisation ou la personne et non inventée de toutes pièces), transmise de la bonne manière créée des associations d’idées précises, et fortes. Donne naissance à des comportements récurrents qui établissent l’hégémonie des marques. L’on conçoit à tort la marque comme un produit identitaire pur, un ADN, alors qu’elle se construit en interaction constante avec l’environnement dans lequel elle évolue. Nous allons parler des organisations, mais ce qui suit peut aussi bien s’appliquer aux individus.
I. Une culture forte est un iceberg
La culture se construit avec l’organisation, elle ne lui préexiste pas (elle ne lui est pas antérieure). Sa formation est concomitante à sa structuration. L’on croit à tort qu’elle est statique, alors qu’elle se nourrit d’interactions continues, bien que son noyau (ce qu’elle est), lui soit intrinsèque. Il arrive un moment, dans la vie d’une startup, où l’on détermine qui l’on est en tant qu’entité, les valeurs cardinales autour desquelles l’on se retrouve, les croyances sur lesquelles on bâtit son identité.
On établit un consensus sur les constituants stabilisateurs de la culture interne en même temps que l’on atteint un point d’équilibre organisationnel. Maintenant que l’on ressemble enfin à quelque chose, et que notre structure est dotée d’un organigramme qui ne s’improvise pas, l’on peut se concentrer sur ce que l’on est, faire le point sur notre identité. Il s’agit là d’une étape cruciale, indispensable à la construction d’une culture de marque authentique.
Certaines structures, si obnubilées par les questions d’ordre prosaïque qu’elles en ont oublié de bâtir leur âme, s’attellent à « fabriquer » une culture de marque à partir de rien. Elles sont faciles à repérer, il suffit d’observer les employés ; semblent-ils en dépit de leur diversité partager des traits distinctifs communs ? Vous paraissent-ils s’apprécier au point d’envisager de passer 24 heures avec leurs collègues de travail sans frémir d’horreur prospective ? Sont-ils passionnés par ce qu’ils font ? Cela a l’air banal – vraiment ? -, mais la qualité de travail et la différence de productivité selon que vous répondiez « oui » ou « non » à ces questions sont impressionnantes. Pensez-y, quel est « le facteur attirance » de votre boîte et de la valeur qu’elle produit sur le public, les salariés, les partenaires, etc. ? Je parie que les réponses sont intéressantes.
Créer une marque de toutes pièces est non seulement profondément malhonnête, mais cela ne sert à rien. Les gens sentent ces choses-là, cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Le mieux que vous ayez à faire est d’y penser dès les prémices. Gardez à l’esprit que ce que vous aurez décidé de facto ne sera pas forcément ce qui sera ; tant que vous n’avez pas vécu une culture, qu’elle n’a passé l’épreuve de la vie quotidienne, qu’elle n’a pas été transformé tout en vous transformant, elle n’existe pas vraiment. Au terme d’un temps plus ou moins long – un an, deux ans, quatre ans -, vos collègues et vous serez à même d’effectuer une réflexion sur votre identité car vous aurez de la matière. La culture s’engendre, elle ne se fixe pas.
C’est quoi cette histoire d’iceberg ? Il nous faut différencier la culture de marque (le haut de l’iceberg, sa partie émergée), de la culture de l’organisation (sa partie immergée).
Ce que le monde voit, c’est la culture de marque. Ce que vous êtes, c’est la culture organisationnelle.
La culture de marque se construit à partir de la culture organisationnelle.
1/ Une question de culture
J’ai dit que j’étais négativement impressionné par la capacité des dirigeants Africains à se focaliser sur la réalité prosaïque ? Je ne me suis pas bien exprimé. Cinq éléments fondamentaux déterminent la stratégie d’une organisation ou d’un individu : sa mission, sa vision, ses objectifs, son périmètre d’activité et son avantage différentiel. Je les ai énoncés dans l’ordre décroissant, suivant l’importance de leur influence sur les points suivants.
Les organisations (services publics, privés, associations, etc.) résultent d’une logique. Celle qui dit qu’il est nécessaire de réunir plusieurs compétences standardisées (communication, marketing, vente, informatique, design, RH, etc.) pour pouvoir construire un projet. Penser ainsi, équivaut à vider le projet de toute sa substance. Soupir. Revenons sur le concept de projet. La plupart des gens oublient qu’un projet (toutes les organisations sont des projets, peu importe leur but) implique que l’on veut réaliser quelque chose ; le fait de réunir des gens, même employés pour le réaliser signifie que l’on est conscient du fait que l’on ne peut accomplir ce quelque chose tout seul.
Je le dis souvent, cela ne fait pas de mal de le répéter,
rien d’important n’a jamais été accompli par une seule personne.
Les plus grands leaders le sont parce qu’ils ont bénéficié de l’implication des membres de leurs équipes pour les soutenir, nourrir leur vision, lui donner corps. Aussi incroyable qu’ait été Steve Jobs, sans Steve Wozniak et tous ceux que l’histoire ne retiendra pas, du plus humble balayeur à l’ingénieur et au designer qui ont construit le projet, Apple n’aurait pas existé et personne n’aurait entendu parler de Jobs. Yeah. Une organisation est une aventure collective. C’est un projet qui se construit de façon inclusive au projet « officiel ».
Pourquoi je vous parle de cela après avoir parlé de stratégie ? Parce que la plupart des gens ne savent pas ce qu’ils font en construisant ce second projet, ils ignorent même tout de son existence. Cela donne des gens qui vont au boulot pour gagner leur vie, et qui passent leur temps à travailler en gardant un œil sur l’horloge. J’ai envie de dire que ce n’est pas de leur faute, après tout, « on a toujours fait comme ça en Afrique ». Quelques exceptions existent – encore heureux -, mais eux non plus n’ont parfois pas conscience de ce qu’ils construisent en parallèle de leur projet « officiel » (la raison d’être de l’organisation).
> Le sentiment d’appartenance
Une aventure collective doit être pensée, chacun de ses acteurs doit être conscient de ce qu’il participe à édifier pour donner naissance au sentiment d’appartenance, l’un des Graal des organisations. C’est ce qui produit l’engagement et le dévouement, non seulement envers la cause, mais envers l’organisation. J’ai quitté une structure parce que j’étais dévoué à sa cause, mais que je ne ressentais aucun attachement vis-à-vis d’elle. Je suis toujours consacré à cette cause, je l’ai toujours été . Pourtant, je n’appartiens plus à l’organisation en question.
Tant que vous ignorez comment créer ce sentiment, vous verrez des gens vous quitter parce qu’ils ne se sentent pas concerné par la construction de l’organisation en tant que projet à part entière. Je crois d’ailleurs qu’il s’agit de l’un des plus grands défis des dirigeants, faire en sorte que chaque membre du groupe se sente personnellement concerné par la structure au point de s’impliquer à un niveau supérieur dans son édification.
Les meilleurs employés/collaborateurs, ne restent pas pour les avantages matériels que vous pouvez leur offrir. Ils restent pour la valeur immatérielle que leur apporte votre boîte. Si vous ne parvenez pas à leur inspirer de la dévotion vis-à-vis du but que vous poursuivez, ET à les impliquer dans l’organisation au point qu’ils sentent qu’ils font partie d’une aventure collective qui va au-delà de leurs intérêts individuels, vous êtes morts. Enfin, vous vous retrouvez avec des membres économiques. Si ça ne vous gêne pas, rassurez-vous, l’incapacité à vouloir créer ce genre de chose dénote simplement de votre inaptitude au leadership, ce n’est pas une tare. Contentez-vous d’être un manager.
> La mafia
La création d’un lien émotionnel fort entre ses membres, et entre les membres et la vision est ce qui distingue une boîte « normale », d’une boîte qui va casser la baraque, pour parler prosaïquement. Construire une communauté avec ses propres codes et ses valeurs, c’est construire une mafia. Quelqu’un pense très fort à la Paypal Mafia ? C’est normal, c’est l’exemple le plus populaire. Il y en a eu d’autres. Les philosophes des Lumières, les pères de la colonisation, les pères pèlerins (The Pilgrim Fathers), etc. Les mafias, ou les conspirateurs comme les appelle Peter Thiel, ont la particularité de partager une culture forte qui survit à l’organisation. Ainsi, les membres de la Mafia Paypal se sont mutuellement aidés pour créer leurs entreprises dont chacune vaut aujourd’hui à peu près 1 milliard de dollars après avoir vendu Paypal.
Ce chiffre impressionnant ne doit pas vous faire perdre de vue l’essentiel, qui est la véritable leçon de cette histoire : les organisations qui prennent la peine de créer une culture organisationnelle forte sont des catalyseurs exponentiels de production de valeur, ce sont les seules qui donnent naissance à des écosystèmes puissants, qu’ils soient technologiques, financiers, sociaux, politiques ou culturels. Revenons à la Mafia. Ses 27 membres sont les trois fondateurs (Peter Thiel, Elon Musk et Max Levchin), ainsi que des ingénieurs et autres collaborateurs qui se sont joint à l’aventure par la suite. Jetons un coup d’oeil détaillé sur les membres de la Mafia, vous allez reconnaître des noms d’applications que vous utilisez tous les jours ; ce qui est marrant est que chacun ou presque sont des monopoles :
- Peter Thiel, cofondateur et ancien directeur général de PayPal, il est connu comme le chef de file de la Mafia. Il a fondé Palantir Technologies, une entreprise de logiciels américaine privée spécialisée dans le big data. Il dirige également Clarium Capital Management LLC, un fond d’investissement alternatif.
- Max Levchin, cofondateur et ancien de PayPal, considéré comme le conseiller de la Mafia. Il a par la suite dirigé Yahoo!, cofondé Affirm, une société de technologie financière qu’il dirige, et préside le conseil d’administration de Yelp.
- Elon Musk. On ne le présente plus. Il est le fondateur de X.com qui a acquis la société Confinity. Musk a ensuite cofondé Tesla Motors et SpaceX. Il est également le Président de SolarCity.
- David O. Sacks, ancien COO de PayPal qui a plus tard créé Geni.com et Yammer.
- Scott Banister, ancien CTO de Ironport et membre du conseil d’administration de PayPal
- Roelof Botha ancien CFO de PayPal qui est devenu plus tard un associé du fond d’investissemnt Sequoia capital.
- Steve Chen, ancien ingénieur PayPal qui a cofondé YouTube.
- David Gausebeck, ancien architecte technique de PayPal, co-créateur du test Gausebeck-Levchin, cofondateur de Matterport Inc., une entreprise numérique de modélisation 3D.
- Reid Hoffman, ancien vice-président exécutif qui a plus tard fondé LinkedIn. Il a été l’un des premiers investisseurs de Facebook, Aviary, Friendster, Six Apart, Zynga, IronPort, Flickr, Digg, Grockit, Ping.fm, Nanosolar, Care.com, Knewton , Kongregate, Last.fm, Ning et Technorati.
- Ken Howery, ancien CFO de PayPal qui est devenu un associé au fond d’investissement The Founders Fund.
- Chad Hurley, ancien web designer PayPal qui a cofondé YouTube.
- Eric M. Jackson, qui a écrit le livre The PayPal Wars et est devenu directeur général de WND Books. Il a également cofondé CapLinked.
- Jawed Karim, ancien ingénieur PayPal qui a co-fondé YouTube.
- Rod D. Martin, ancien conseiller spécial du PDG Peter Thiel dont 10X Capital a pris en charge Galectin Therapeutics en 2009. Il a fondé Advanced Search Laboratories en 2012.
- Dave McClure, un ancien directeur de marketing de PayPal, c’est un super business angel pour les startups qui se lancent, c’est également le fondateur de 500 Startups, qui a frappé des investissements 500+.
- Andrew McCormack, cofondateur de Valar Ventures.
- Luke Nosek, cofondateur de PayPal et ancien vice-président du marketing et de la stratégie, est devenu associé chez The Founders Fund avec Peter Thiel et Ken Howery.
- Jason Portnoy, ancien vice-président de la planification financière et de l’analyse, qui est devenu CFO chez Clary Capital de Peter Thiel, CFO de Palantir Technologies et associé fondateur de Subtraction Capital.
- Keith Rabois, un ancien cadre de PayPal qui a travaillé plus tard chez LinkedIn, Slide, Square et travaille actuellement chez Khosla Ventures. Il a investi une partie de sa fortune dans Tokbox, Xoom, Slide, LinkedIn, Geni, Room 9 Entertainment, YouTube et Yelp.
- Jack Selby, ancien vice-président du développement corporatif et international chez PayPal, qui a co-fondé Clarium Capital avec Peter Thiel, devenant plus tard directeur général de Grandmaster Capital Management.
- Premal Shah, Ancien directeur de produit chez PayPal, est devenu le président fondateur de Kiva.org.
- Russel Simmons, ancien ingénieur de Paypal qui a cofondé Yelp.
- Jeremy Stoppelman, ancien vice-président de la technologie chez PayPal, qui a ensuite cofondé Yelp.
- Yishan Wong, un ancien directeur d’ingénierie chez PayPal qui a travaillé plus tard chez Facebook avant de diriger Reddit.
Vous avez remarqué ? Ils se baladent ensemble continuent à créer de la valeur ensemble bien après qu’ils aient vendu l’organisation dans laquelle ils se sont rencontrés. Parenthèse : si cela vous gêne que l’un de vos employés devienne « votre égal » plus tard et vous aide à créer de la valeur, vous êtes un sorcier. Fermez la parenthèse.
D’après Peter Thiel, aucune organisation n’a de culture, mais chaque organisation est une culture, car la culture n’existe pas en dehors de l’organisation en elle-même. Il définit la startup comme un groupe de personnes qui a une mission à accomplir, et une bonne culture, comme une culture représentative de ce qui se passe à l’intérieur de l’organisation.
Source : Zero to One, notes on startups, or how to build the future.
> Culture et « facteur attirance »
Les organisations les plus bancales n’opèrent aucune réflexion sur leur histoire et leur culture, elles se contentent d’établir leur stratégie en fonction des objectifs qu’elles se fixent. En les renouvelant de temps en temps, dirigés par une vague idée de leur mission et sans vision, mais très au fait des objectifs mercantiles à long terme. On dirait des bébés déformés. Passons. Pourquoi je vous parle encore de stratégie ? Parce que
« La stratégie concurrentielle consiste à être différent. Elle implique de choisir un périmètre d’activité distinct et de proposer une combinaison de valeur unique. » – Michael Porter, professeur de stratégie d’entreprise à Havard, et consultant d’entreprise
Le titre de ce dossier est « La culture de marque, éléments de compréhension d’un avantage concurrentiel », cette histoire de culture est une histoire de différenciation. Tout le jeu des organisations et des individus dans un environnement concurrentiel consiste à proposer au public de la valeur difficilement ou impossible à répliquer, c’est ce qui crée – pour les meilleurs – les positions dominantes et les références culturelles. Après tout, « Googler » et « Ubériser » sont bien passé dans le dictionnaire par antonomase. L’une des antonomases les plus célèbres est sans doute « Frigidaire », qui est à l’origine une marque de réfrigérateur du groupe Electrolux. Je crois que la plus célèbre est la « poubelle », du nom de son inventeur éponyme, le préfet de la Seine, Eugène Poubelle.
Je vais être plus clair : la culture est ce qui crée un « facteur attirance ». Lorsqu’elle est bâtie correctement, que sa valeur est singulière, spécifique ; elle engendre des schémas précis dans la tête de vos prospects, en fait des leads puis des clients. Le discours de l’entreprise (sa communication), se structure autour d’elle, c’est du marketing. Il faut être soit profondément stupide soit totalement ignorant pour être au fait de tout ceci et ne pas prendre le temps de créer une culture cohérente, authentique et originale. Sourire, vous avez remarqué un truc ? Je n’ai pas pris le temps de le faire, rires. Allez, on continue.
Ce qu’il y a de bien avec les mafias, c’est qu’elles engendrent des écosystèmes particuliers, qui attirent et concentrent des talents, des compétences et des organisations qui gravitent autour d’elles ; cela crée une boucle de rétroaction positive qui donne naissance à des choses comme la Sillicon Valley, connue et reconnue dans le monde entier pour l’état d’esprit et le comportement de ses membres, entre autres. C’est un exemple de réplication de culture organisationnelle que j’aime beaucoup. L’un des autres exemples que j’aime moins est Hollywood. L’on observe ces phénomènes, devenus des pôles de dominance mondiaux sans réaliser qu’ils ont été engendré par une culture organisationnelle forte, entre autre. C’est peut-être triste quand on pense que l’une de nos lamentations préférée en tant qu’Africain est « on n’est pas unis ». Rires.
a) La culture organisationnelle
La culture d’une organisation est l’ensemble des croyances et des convictions partagées par les membres d’une organisation qui déterminent inconsciemment la représentation que celle-ci se fait d’elle-même et de son environnement. Cette représentation collective renforcée au cours du temps se reflète dans les routines mises en place dans l’organisation, « (sa) manière de faire » – Culture et stratégie, Stratégique
C’est une aventure interne qui se construit a posteriori, à partir d’une mission et d’une vision clairement identifiées ; elle se nourrit de l’inconscient collectif standardisé par les comportements, les croyances et les valeurs partagés par les membres d’un groupe. Il s’agit d’une institutionnalisation de ces éléments identitaires.
Reprenez la figure 1, en vous focalisant sur la base de l’iceberg (sa partie immergée). Ses constituants sont :
- l’expérience vécue par l’ensemble des membres de l’organisation ;
- les manifestations fortes et cohérentes de la culture (symboles – images, discours, interprétations singulières -, histoire – dates emblématiques, décisions et passif déterminants -, patrimoine, environnement interne fécond, codes) ;
- les dynamiques internes et externes, l’appropriation de l’expérience collective et de la vision et de la mission de l’organisation ; les relations qu’entretiennent les membres du groupe entre eux, et avec leur environnement, la résonance culturelle (nous verrons cela dans la troisième partie).
En passant, une marque qui ne joue aucun rôle culturel dans son secteur d’activité n’est pas un influenceur, elle n’est pas génératrice de valeur immatérielle. Daniel Bô, spécialiste de la brand culture appelle ce genre de marque une marque bonimenteur. Elle peut disparaître sans émouvoir son marché, car elle tient une fonction purement économique puisqu’elle n’est pas pourvoyeuse de sens. Ce dernier point explique l’existence de gens comme moi (conseillers en communication stratégique), notre principale fonction est de donner du sens aux éléments mercantiles, rires. Enfin, on peut toujours essayer si on a de la matière (culture organisationnelle caractérisée ou non, mais existante).
Une parenthèse, que nous développerons dans la partie 3 ou la partie 4 : l’atout majeur des startups qui souhaitent s’internationaliser est de savoir répliquer leur culture. Il importe donc qu’elles sachent les établir. Prenons Uber par exemple. Chaque fois qu’ils s’installent dans une ville, et ce depuis le tout début, ils tiennent un journal de bord dans lequel ils consignent leur expérience et ce, au quotidien. Ils font ensuite le point sur ce qui a marché, n’a pas marché, ce qu’ils ont appris, à quel point cela a affecté leur mission (le « métier » de la startup), etc. A partir des premiers journaux, ils ont effectué une synthèse qu’ils utilisent lorsqu’ils doivent s’établir dans une nouvelle ville, c’est un excellent moyen de répliquer la culture, tout en instaurant des mécanismes. Cela touche à la notion de monopole culturel (cf. les parcs d’attractions Disney en France, qui sont décriés pour avoir imposé un management à l’américaine à leurs employés français, ces derniers vivent cette situation comme une « agression culturelle »).
J’ai parlé de monopole plus haut, la culture organisationnelle et la culture de marque en sont des éléments. Voici comment ils s’insèrent dans leur création :
La culture d’une organisation est le terreau sur laquelle elle se construit, dans une dynamique réciproque ; elle influence chacun des éléments de l’organisation, qui la transforment à son tour :
Vous pouvez appliquer le schéma aux organisations macro (ex : la Sillicon Valley ou Hollywood), comme aux organisations unitaires de taille moyenne ou de petite taille (entreprise, association, collectif, etc.), nous discourrons de la technologie propriétaire un autre jour. Considérez cela comme la valeur singulière produite par l’organisation.
Les exemples les plus récents d’escroquerie en termes de culture de marque sont certaines banques et fonds d’investissements. Il s’agit de celles qui affichent des valeurs telles que « votre sécurité financière est notre priorité » alors que, dans les faits, elles prennent des risques inconsidérés avec l’argent de leurs clients. Quelqu’un a parlé de Bernard Madoff ? On compatit à la situation de Kerviel, bouc émissaire officiel de la Société Générale, etc., les exemples ne manquent pas. Je parle d’escroquerie culturelle lorsque les valeurs qui déterminent les décisions stratégiques sont différentes de celles qui sont affichées par la culture de marque. C’est un exemple d’incohérence de culture puisque la culture organisationnelle (ce que vit l’organisation) est en inadéquation avec les valeurs qu’elle affiche (sa culture de marque).
> La question du recrutement : vous devez attirer et retenir ce que vous êtes, pas ce que vous croyez être ni ce que vous souhaitez devenir
Parce que, à moins de le devenir ensemble, vous ne le deviendrez jamais. C’est une histoire d’inconscient collectif nourri de références (histoire, suite de succès et d’échecs, choix stratégiques, expériences émotionnelles partagées, codes, etc.) identiques. L’on néglige souvent cet aspect de l’organisation alors qu’il est fondamental ; la valeur créée est impactée par la culture organisationnelle partagée par les membres du groupe qui l’engendrent. Si cette dernière ne repose pas sur un patrimoine commun, autant dire qu’elle ne repose sur rien d’autre que les intérêts économiques individuels. Le meilleur moyen de briser une organisation en somme (trahisons et égoïsme lorsque les intérêts individuels ne coïncident plus).
Le recrutement est une question d’effet-miroir. Si ceux que vous recrutez ne possèdent pas en eux les éléments du croissant rouge qui les font se reconnaître dans les éléments du croissant blanc ne les recrutez pas, vous feriez une erreur de casting. Ces dernières sont courantes, du fait de l’emploi systématique du CV-lettre de motivation comme références. Les entretiens devraient plus se fonder sur ce qui précède. Je l’ai dit plus haut, le CV-lettre de motivation n’est utile que pour présélectionner les compétences, les profils qui vous correspondent ne peuvent être triés que par l’analyse des éléments du schéma.
Ce schéma et une part de ceux qui précèdent et qui suivent sont le fruit de ce que j’appelle « l’expérience des organisations », rires. Le bon côté lorsqu’on a fait autant d’erreurs que moi, c’est que l’on en tire les conséquences. Je recrute de mieux en mieux, et je choisis mes clients avec plus de discernement en tenant compte de ce schéma.
J’ai écrit « culture de marque vécue » parce que les premières déclarations d’intention sont établies pour le premier public (les premiers collaborateurs) dans le but de les séduire, et/ou de nous donner l’impression d’avoir un vrai code de conduite, rires. Je rigole mais c’est extrêmement important de poser des bases, ne fût-ce que pour avoir un point de comparaison lorsque l’on s’en démarque – ce qui arrive nécessairement, le comportement des membres d’une organisation est itéré par la vie en groupe -. C’est du behaviorisme pour les startups.
Je crois fermement qu’il est nécessaire d’analyser les évolutions inhérentes à la construction des startups Africaines, afin d’en consigner l’histoire pour éviter les erreurs, anticiper les mutations et penser les innovations de façon rationnelle, à partir de connaissances pré-établies. C’était ma minute « promotion de la création du contenu Africain contextualisé », rires.
Le schéma fonctionne de cette façon, suivant un ordre chronologique et structurel :
- 0 à 5 collaborateurs, passage de 0 à 1, les 2-3 premières années en général : le croissant blanc. Vous en êtes aux prémices, vous posez les bases de votre collaboration. Jetez un coup d’oeil sur cet article, qui traite des fondements de la relation entre cofondateurs d’une organisation ;
- 6 à 15 collaborateurs, période de stabilisation de l’organisation, vous êtes enfin à 1 : vous ne vous battez plus pour exister, vous avez obtenu une certaine légitimité dans votre marché ; vous commencez à bâtir votre culture de marque en faisant le point sur votre culture organisationnelle à partir de l’expérience collective vécue. Vous faites le bilan sur les mutations et pivots effectués par rapport aux prérequis établis dans le croissant blanc, vous vous constituez un patrimoine culturel à partir des grandes étapes de votre histoire, vous affirmez votre identité collective et vous en imprégnez consciemment. C’est à ce moment que vous écrivez votre manifeste, la constitution de votre organisation. Cela fera l’objet d’un prochain article. La culture de marque se dessine à ce moment, car vous exprimez de façon intelligible, une fraction de votre identité que vous rendrez publique. C’est ce qui renforce le « facteur attirance », qui décide votre 16 e employé hyper-qualifié à rejoindre votre structure plutôt qu’une autre.
Ne croyez pas que je vous pousse à ne recruter que des gens très compétents, ces gens-là sont souvent des têtes de pioche. Il est plus sage de mettre en place une équipe de niveaux de compétence différents en symbiose (le Barça) plutôt que de réunir des personnes hyperqualifiées qui ont du mal à travailler ensemble (le Real Madrid). Je vous encourage vivement à vous demander si votre prochain employé à la personnalité et les centres d’intérêt qu’il faut pour s’insérer dans la dynamique générale, les critères pris en compte sont autrement plus surprenants que le CV et la lettre de motivation (n’utilisez ces trucs que pour une présélection, ça ne sert pas à grand-chose après).
Etude de cas superficielle : Sen’efficience
Il s’agit de l’une des meilleures associations Africaines d’Île-de-France, et je ne dis pas ça parce que j’en fais partie. Créé il y a 12 ans bientôt, ses membres, anciens membres, partenaires publics et privés, ainsi que ses sympathisants forment le réseau Sen’efficience. Plus spécifique encore, chaque membre des deux premiers groupes porte le nom d’Efficient. La mission de cette association est de promouvoir l’accès des étudiants Africains aux cursus d’excellence et, dans une moindre mesure, de faciliter leur insertion professionnelle en France, le retour des jeunes professionnels et étudiants en fin de cursus en Afrique, et de promouvoir l’entrepreneuriat Africain. Ses moyens de prédilection sont l’organisation de conférences et d’ateliers sectoriels, le mentorat, et le networking. Parce qu’elle est fermement convaincue que l’éducation et le networking de qualité sont des facteurs de développement clés de l’Afrique.
Cette bannière est longtemps restée sur la page Facebook de l’association :
« Education is the key to success » (l’éducation est la clé du succès)
C’est ce que j’appelle le premier barrage. Pour devenir un efficient, vous devez être fermement convaincu que les cursus d’excellence et le réseau sont des leviers déterminants pour construire l’Afrique de demain. Ça paraît élitiste, et cela peut rebuter certaines personnes. C’est cool parce qu’elles ne s’épanouiraient pas dans l’association. La mission d’une organisation est un élément clivant positif, car elle permet d’attirer et de retenir ceux qui vous ressemblent. Nous parlerons des risques que cela vous fait courir dans la partie 2.
Le second barrage, le barrage comportemental. Être Efficient n’est pas un titre, c’est un comportement. Ce dernier est la manifestation d’une croyance :
« Good -> better -> best » (bien -> mieux -> meilleur)
Je pense avec tendresse à ma première nuit en tant qu’Efficient, il y a deux ans, lorsque j’ai dû modifier trois affiches plus de 15 fois pour l’organisation du premier événement de l’année. C’est « l’épreuve du feu » des nouveaux membres du pôle com’, chaque pôle à ses codes, qui s’insèrent dans le code de l’association.
Il y a une phrase qui revient souvent : « on doit faire mieux que le bureau précédent ». Et tous les ans, les fondateurs et les membres récurrents nous disent « waouh, c’est mieux que l’an dernier ! » Ce n’est pas de la concurrence, plutôt la conscience qu’une évolution positive est un absolu. Nous avons hérité de certains acquis (partenariats, productions de toutes sortes, etc.), nous devons en léguer plus que nous avons reçu, ajouter de la valeur sur la valeur, « enrichir » l’organisation en matière de réalisations et de moyens matériels et immatériels. C’est ce qu’on appelle « le développement » sous nos cieux.
Devenir un Efficient suppose que l’on trouve normal de donner son temps pour les autres sans être rémunéré pour ça, donc que l’altruisme (agir de façon désintéressée pour le bien d’autrui) soit l’une de vos valeurs cardinales. Les Efficients l’ont institué en mode de vie.
L’action collective a force de loi, puisque la valeur produite est le produit du travail de plusieurs personnes, qui appartiennent souvent à des pôles différents. Dans la plupart des cas, personne ne saurait vous dire qui a fait quoi, tant les cerveaux et les mains collaborent pour réaliser le meilleur.
Je ne suis pas censé le dire ici, mais posséder un profil intellectuel (être attiré par la réflexion), avoir le sens de l’humour et posséder un lien particulier avec la nourriture sont des must have. Je sens qu’ils vont me tuer, rires.
La culture organisationnelle est unique, elle est le fruit d’une aventure collective qui distingue des organisations aux missions communes, guidée par une vision singulière. C’est un cercle vertueux (elle s’autorenforce) et clivant, qui réplique ce que vous êtes et repousse ce qui ne vous ressemble pas, permettant ainsi de vous distinguer de vos concurrents.
Next step : le manifeste, un pont entre la culture organisationnelle et la culture de marque.
Les puristes ont sans doute remarqué que cette théorie n’est pas habituelle. Well, les écoles de commerce et les universités la présentent toujours du point de vue du client (le côté « public » de la culture) et du profit qu’elle génère, ce que je ne trouve pas adapté au contexte actuel des startups. Je préfère l’angle interne et l’exploration de la culture comme outil concurrentiel, alors j’écris la mienne.
Nous avons débroussaillé le quart du sujet. J’ai un oeil sur les suites. Le sujet est plus costaud que je ne le pensais, alors que je l’ai volontairement restreint. En dépit de mon amour immodéré pour l’exhaustivité, je ne vais pas tester WordPress sur la longueur maximale des articles, ce serait indigeste, et épuisant. Arrêtons-nous là pour aujourd’hui.
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