La décision d’achat dans le marché du digital : cas du Cameroun
Serge Massango est un professionnel camerounais qui possède plusieurs cordes à son arc : Project Professional Manager, Chief Creative Officer, Marketing Manager, WebDevelopper, WebDesigner, Online and Digital Manager, il est également producteur et animateur radio/TV et fondateur d’Obosso, « une plateforme d’analyses, un recueil d’avis et de paroles sincères de citoyens qui n’ont pas froid aux yeux et qui disent ce qu’ils pensent ». Sourire. Founder et CEO d’Artecaa, il gère la plateforme de travaux ponctuels rémunérés eboloo.com. Vous pouvez le retrouver sur LinkedIn.
Ce texte a initialement été publié sur obosso.net.
Comme il est de coutume dans les trends marketing, des mots/expressions nouveaux, pas forcément les concepts, naissent et font l’objet d’un buzz et d’une considération quasi-instantanée dans les différentes approches stratégiques, envisagées par les responsables des départements Marketing, et ce, quelque soit la taille de l’entreprise. Suffisamment relayée et discutée sur les réseaux (sociaux) dédiés, la stratégie de l’influenceur ou le marketing de l’influence, fait fureur.
I. Vous avez dit « Influenceur » ?
Influenceur. Un mot très à la mode aujourd’hui. Avec ses cousins, très anglo-saxonnés leader, coach, blabla-addict, CEO (utilisé de façon abusive), etc. Des mots dont s’étiquettent plusieurs comptes de réseaux sociaux et dont les propriétaires ne jurent que par l’exaltation de leurs égos. Ceux-là qui voudraient nous transmettre le message subliminal selon lequel, suite à un nombre relatif de followers (ça va entre 35 et des millions), ils seraient capables de (re)diriger ces fameux followers donc, vers un produit ou un service qu’ils auraient adoubé au préalable. Evidemment comme des panurgiens, ces followers obéiraient sans rouspéter, vu qu’ils n’auraient pas de cerveaux, aux injonctions améniques de Mister/Miss Influenceur.
Mais siiii. C’est bien de ça qu’il s’agit. Des personnes C ont décidé que des personnes B seraient à la solde des humeurs de personnes A, à cause de leurs popularités éphémères (dans 90% des cas). Popularités généralement dues à leurs physiques, à leurs ébats sexuels, à leurs comptes en banque, à leurs capitaux relationnels ou à un personal branding (encore un terme pompeux, basé sur la perception faussée de soi que l’on veut créer chez les autres). Vous trouvez cela dur? Et si vous arrêtiez de suivre des comptes, juste par effet de mode? On revient là-dessus, tout en regardant cette parodie sur comment les marketistes traitent les clients.
En vérité, le concept n’est pas nouveau. Il y a toujours des intermédiaires, des prescripteurs, de la pub. On s’est toujours servi de stars pour vendre un produit ou un service. Et les gens ont toujours acheté tel ou tel produit à cause de la star associée au produit proposé. J’ai personnellement acheté à l’époque, la Jordan 92 à cause de HisAirness lui-même. Ca remonte quand même hein (Janvier 1994).
Bref, la problématique actuelle ne réside donc pas sur l’efficacité de cette façon de procéder. La problématique réside dans la supposée efficacité de cette stratégie dans le contexte Camerounais.

Source : blog.alerti.com
II. Influence et branding
Posons la question autrement. Pour une jeune entreprise qui cherche à s’installer sur le marché ou pour la SA, qui a pignon sur rue, est-ce que les gens qui ont adopté un tel produit/service, l’ont fait à cause d’une stratégie basée sur un ou plusieurs influenceurs? C’est d’ailleurs assez étonnant cette célérité qu’ont certaines boites à se payer la célébrité de certaines personnes, notamment la génération Instagram,-Twitter-Facebook. Il me semble que ces entreprises se doivent d’abord d’évaluer l’impact réel de ces « inflluenceurs » sur non pas des personnes lambda, mais sur leurs cibles. Nous parlons bien d’influence, de pouvoir, de capacité réelle quant à la décision d’achat.
Alors comme contre-argument, on évoquera que cela se fait pour du branding. Dans ce cas, il faut au moins se rassurer que l’influenceur choisi corresponde au niveau de prestige de la marque à mettre en évidence. On assiste souvent à des campagnes marketing où une entreprise de prestige 7 (sur une échelle de 10) recrute des stars de niveau 2. Something is wrong somewhere. C’est contre-productif d’associer deux niveaux d’image aussi distants. Par contre, réussir à dégoter une star de niveau 8 pour une entreprise de niveau 6, est un bon coup; quoique cela peut aussi générer une mauvaise image pour la star. Cercle vicieux. Les bons exemples sont MTN avec Eto’o ou Orange avec les Lionnes du foot. Mêmes niveaux de prestige ou semblables. Donc si nous voyons une entreprise qui se la joue « buzz » et qui recrute des ados ou adultes en mal de reconnaissance, on est en droit de situer son niveau de prestige à celui de cette pseudo-star.
Dis-moi qui est ton influenceur, je te dirais quel est ton niveau de prestige.
Bref, si vous persistez dans le marketing d’influence, je recommande cet article, qui partage les questions soulevées par ce billet.
Mais toujours, la problématique demeure: quels sont les ressorts qui poussent à acheter?
III. Qu’est-ce qui motive Fatou à acheter ?
Ne tergiversons pas trop. Les chiffres, oui. Leur sens, c’est encore mieux, surtout quand les problèmes marketing qui les ont précédé ont été bien circonscrits. D’ailleurs, un élément de réponse à une analyse quantitative de ce sujet (et aussi sur le vide conceptuel que recouvre cette notion d’influenceur au Cameroun) se trouve dans de nombreux articles comme celui de Claude Kuissu sur l’influenceur.
1/ Le pouvoir d’achat
Pour autant dire que le facteur essentiel qui préside la décision d’achat au Cameroun est le pouvoir d’achat. Que cela soit un article à l’informel ou un gros investissement, il est évident que le prix est majoritairement décisif dans ce processus. Y a qu’à réaliser la vitesse exponentielle des hypermarchés Chinois dans les marchés traditionnels Camerounais. Avant de juger de la qualité des produits fournis (ne pas oublier que les mêmes usines chinoises sont celles qui fabriquent à la fois les Nike ou iPhones des riches enfants Américains et les contrefaçons destinées aux marchés émergents et boutiques hupées de grandes métropoles), il est indubitable qu’ils damnent le pion aux Libanais et autres Grecs, Turcs installés depuis les années 70, à cause des prix exagéremment bas, des produits bon marché. Ce qui a poussé certains à sortir le slogan « Même les arachides, les Chinois vendent« . Je ne pense pas que Eto’o ou les Lionnes ont augmenté les ventes de produits des entreprises utilisant leurs images. Ils n’ont servi que de driving.
Bien plus, mettre cher ou pas cher un produit n’est pas suffisant. Cher par rapport à qui? Tout va aussi dépendre de la cible. En d’autres termes, il faut que les personnes cible soient en pouvoir d’acheter.
2/ L’égo
A supposer que l’argent ne soit plus un problème pour un certain marché, c’est-à-dire la moindre part, le facteur à considérer est la mise en valeur de l’égo. C’est sur ce terrain que jouent les marques à produits ou services de luxe. On n’achètera donc plus à cause du produit lui-même, mais à cause de la valeur hautement subjective ou comme certains l’ont appelé, du prix psychologique affecté au produit. Les modèles haut de gamme dans le domaine des smartphones sont à peu près similaires. Il ne reste plus qu’à jouer sur le « nom » qu’inspire tel ou tel smartphone ou telle ou telle tablette.
Cependant, si nous essayons d’appliquer ces raisonnements dans les entreprises du digital. Dans la niche des jeunes et adultes, 18-45 ans, le marché réel de ces entreprises, quelle est la part des acheteurs potentiels au regard des produits/services proposés? En général, ces produits sont Internet, du crédit de communication, des applications, des web apps, des solutions digitales, etc. Aussi simplement, posons-nous des questions élémentaires: tout le monde a t-il un smartphone? Est-ce que tous ceux qui l’ont, trouvent un intérêt aux solutions digitales, quand on connait le taux d’analphabétisation digitale? Quel est l’investissement minimal, moyen, maximal d’un jeune intéressé et équipé pour ce genre de produits, au-delà des classiques Facebook et WhatsApp?
Une fois, les calculs effectués, il faut adapter et doser les investissements liés à la promotion des produits/services auprès de ces jeunes intéressés et équipés. Et ainsi justifier ou pas, le recrutement partiel ou total de tel ou tel influenceur. Car ce marché est assez petit. A bien des égards, l’investissement doit s’orienter vers des domaines où le ROI est vérifiable et efficace. La stratégie « influenceur » pourra se justifier par après, pour renforcer le branding.
A la suite de ces pré-facteurs, il y a des post-facteurs, qui viennent une fois que le produit est déjà sur le marché ou acheté par le consommateur.
3/ La qualité du produit
Comme une traînée de poudre, le bon produit a la traçabilité efficace. Nous connaissons tous ces produits, parfois très anciens, qui n’ont plus besoin de pub à cause de leur efficacité démontrée et éprouvée. Le bon joueur ne manque pas d’équipe, comme on dit. Au lieu de s’engouffrer dans des stratégies de type « buzz », concentrez-vous sur l’efficacité, la qualité de votre produit. Et le temps, le bouche à oreille feront leurs effets.
4/ Le service client
Enfin, le plus grand des branding, le prix le plus attractif ou le meilleur des produits, ne feront pas long feu face à un service Client minable. On ne le dira jamais assez, le client est roi. Un client satisfait garantit la pérennité et le côté « ambassadeur » de votre produit/service. Travaillez à cela, c’est bien plus important, surtout dans un pays comme le Cameroun. Au besoin, formez-vous à l’inbound Marketing, par exemple.
Serge Massango
Le coin des experts est une rubrique du blog du disrupteur. Elle accueille les contributions de personnes ayant une certaine expérience en entrepreneuriat, en communication, en marketing ou dans n’importe quel autre domaine connexe. Le but de cet espace est de permettre au public cible de profiter de l’expérience des professionnels des différents secteurs d’intérêt.
Good job !
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